Au début de la crise sanitaire, de nombreux économistes ont repris la métaphore de « cygne noir » popularisée par N. Taleb pour définir l’épidémie, c’est-à-dire un événement hautement improbable avec des conséquences importantes sur l’économie mondiale. Cependant, cette épidémie pourrait être davantage assimilée à un « rhinocéros gris », c’est-à-dire un risque très probable, à fort impact, mais néanmoins négligé, selon l’expression de M. Wucker. Cette question de sémantique est importante car elle détermine si le risque aurait pu être mieux appréhendé. En effet, les décisions prises pour ralentir la propagation du Covid-19 dans le monde, et en particulier le confinement nécessaire d’une grande partie de la population mondiale, vont avoir des impacts significatifs sur l’économie.


2020 devait pourtant être une année de consolidation de la croissance mondiale avec l’atténuation des risques systémiques (notamment la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, et le Brexit). Mais, l’émergence du Covid-19 a pris le monde par surprise et ses conséquences, encore difficilement mesurables, vont entrainer une période de grande incertitude.


Après une année 2019 en demi-teinte, avec une croissance peu élevée mais résistante, 2020 devait également être une année charnière pour la France et son gouvernement. Certes, l’investissement des entreprises et les exportations étaient attendus en baisse sous le poids d’un environnement extérieur plus incertain et moins porteur (notamment avec les incertitudes liées aux mouvements sociaux en France, ainsi que les signes de récession outre-Rhin), mais le rebond de la consommation des ménages, porté par les mesures importantes de soutien au pouvoir d’achat, aurait dû amortir le tassement de la croissance. Avec une confiance des ménages en hausse, des taux de crédit au plus bas et des gains de pouvoir d’achat élevés (portés par les dynamiques d’emploi, les baisses d’impôts et une inflation contenue), les conditions étaient réunies pour que la consommation des ménages rebondisse.


Aujourd’hui, la hausse de la consommation privée en France n’est plus d’actualité. Dans ce contexte, l’économie française ne sera pas épargnée et la récession en 2020 est maintenant une réalité. Les incertitudes résident maintenant principalement sur la durée, la forme de la reprise et l’impact sur le marché du travail.