Le baromètre Salesforce publié fin avril 2020 pointe l'impact de la pandémie de COVID-19 sur les résultats du e-commerce mondial. Sur le premier trimestre 2020, les chiffres révèlent une augmentation de 40 % des acheteurs uniques en ligne dans le monde et de 24% en France. Le secteur alimentaire a été sans surprise en première ligne, mais d’autres secteurs tirent leur épingle du jeu à l’instar de la santé/parapharmacie qui ont connu une hausse de transactions allant jusqu’à 15 % (+27 % au niveau mondial). Par ailleurs, le cabinet Nielsen a enregistré sur la période du 2 au 8 mars, un chiffre d’affaires record de 164 millions d’euros pour les drives. Cet accroissement des flux rappelle également le rôle-clé de la logistique urbaine dans l'approvisionnement des villes et les nombreux défis auxquels elle doit faire face. Les réflexions concernant des solutions innovantes pour un dernier kilomètre plus durable semblent ainsi aujourd'hui plus que jamais à l'ordre du jour.

Les défis du dernier kilomètre

 

Au cours de la dernière décennie, la part du commerce électronique a considérablement augmenté partout dans le monde. Cet essor a été porté par l’urbanisation de la population, la hausse du taux d'équipement des ménages (ordinateurs, tablettes, smartphones), la qualité du réseau internet, l'élargissement de l'offre de produits disponibles à la vente en ligne et, bien sûr, des délais de livraison toujours plus rapides. La livraison en 24h s'impose d'ailleurs aujourd'hui comme « the new normal » aux Etats-Unis tandis qu'en Chine, la livraison le jour même représente (d'après les études du World Economic Forum) plus de 10% des livraisons de colis par jour. Quant au Vieux-Continent, où le same-day delivery ne concerne actuellement que 5% des livraisons, il pourrait bien lui aussi épouser cette même tendance d'ici quelques années.

Face à ces consommateurs exigeants, les villes sont de plus en plus affectées par les embouteillages et la pollution de l’air. Toujours selon le World Economic Forum en effet, le nombre de véhicules de livraison (qui prend en compte l’approvisionnement des commerces ou des restaurants, le transport de matériaux de construction ou des déchets et les livraisons e-commerce) dans les 100 premières villes du monde augmentera de 36 % d'ici 2030, entraînant une augmentation des émissions de plus de 30 %.

En France, l'ADEME estime que le transport de marchandises - qui représente jusqu'à 20 % du trafic en ville - est responsable d’un tiers des émissions de CO2, d’un quart des émissions de gaz à effets de serre et de la moitié des particules liées à la circulation urbaine.

Au regard de ces données, on comprend que le secteur de la logistique urbaine est donc confronté à un triple challenge qui consiste à optimiser les délais et les coûts de livraison tout en assurant la rentabilité de l’activité (la livraison du dernier km pesant plus de 20 % du coût global de la chaîne) et en réduisant l'impact environnemental.

« Le secteur du e-commerce connaît également une évolution sans précédent en cette période inédite, avec +61 % pour les drives et un quasi-doublement des ventes avec près de 90 % d’évolution pour les livraisons à domicile. Le click and collect quant à lui enregistre une augmentation moyenne de +30 %. » indique Thierry Bonniol, Directeur Commerce, BNP Paribas Real Estate Transaction

Immobilier vertical et souterrain

 

Si l'on prend l'exemple de l'Île-de-France, la région comptera 13,5 millions d’habitants d'ici 2050 et autant de nouveaux consommateurs à livrer. Parallèlement, la distance moyenne entre les entrepôts et le centre de Paris a presque triplé depuis 1970, passant de 6 à 16km*. Or, face à la raréfaction du foncier en milieu urbain et péri-urbain, il semble impératif d'inventer de nouveaux modèles immobiliers. Si le Japon, la Chine ou Singapour expérimentent depuis plusieurs années les entrepôts logistiques à étages, la région parisienne adopte depuis peu ces nouvelles configurations. Le développeur Vailog a notamment livré début 2019 la plateforme de distribution Paris Air2 située sur le port de Gennevilliers, à une petite dizaine de kilomètres seulement du cœur de la capitale. Ikea, l'utilisateur principal de cet entrepôt de 63 000 m² développés sur 2 étages, approvisionne désormais son magasin de la Madeleine en camions électriques. Le géant de la distribution en ligne Amazon a également inauguré en octobre 2019 une plateforme logistique développée sur plusieurs niveaux à Brétigny.

Sous la pression des coûts du foncier en ville, les parcs de stationnement souterrains représentent également des opportunités pour la logistique urbaine... et d'autant plus lorsque l'on sait qu'à Paris, les parkings en sous-sol occupent 2 millions de m² ! Certaines surfaces sous-occupées peuvent ainsi être utilisées pour transférer les flux de marchandises vers des modes doux (vélos, triporteurs, quadricycles, droïdes et autres véhicules autonomes). D'ailleurs, parmi les projets lauréats de la consultation Réinventer Paris 2,  l'immeuble inversé imaginé par l'agence d'architecture Syvil va doter l'un des secteurs les plus densément peuplé de Paris de nouveaux outils collectifs et d'espaces partagés : l'ancien parking souterrain de la rue du Grenier Saint-Lazare sera bientôt transformé en un centre de services et d'entreposage à petite échelle proposant des réserves déportées pour les professionnels du quartier ainsi que du stockage de proximité pour les riverains.

Micro-hubs & pop-up

 

Le point de départ de tournées de livraisons réalisées via une flotte de transports alternatifs peut donc s'effectuer depuis des micro-dépôts urbains. Ces sites logistiques de petites surfaces situés en centre-ville peuvent prendre différentes formes : des bâtiments, des véhicules ou des conteneurs. Le prestataire de livraison de colis DPD expérimente ainsi depuis avril 2019, à Constance en Allemagne, un système de micro-hubs : les livraisons urbaines sont réalisées depuis un conteneur garé intra-muros qui fait office de lieu de stockage durant la nuit pour les vélos cargo et de point de transit en journée pour les colis, lesquels sont livrés au micro-dépôt dans la matinée, puis transportés vers leurs destinataires en vélos électriques.

En France, La Poste a annoncé qu’elle prévoyait la mise en place d’un réseau de 80 mini-hubs à Paris d'ici 2025 tandis que la start-up B-Moville (groupe Coursier Privé) propose aux entreprises d’effectuer leurs livraisons sur des vélos tri-porteurs électriques auxquels est attelé un mini-conteneur permettant de transporter jusqu’à 230 kilos. Dans cette logique, un centre de distribution pourra donc théoriquement être installé partout où le distributeur a besoin de se rapprocher de ses clients... un système qui n'est pas sans rappeler celui des magasins éphémères : on passe ainsi du « pop-up store » au « pop-up DC » (Distribution Center).

Si les stratégies logistiques traditionnelles sont souvent synonymes de déploiements coûteux et d'engagements à long terme, les entrepôts pop-up offrent à de nombreux détaillants la possibilité de mettre en place très rapidement une opération sur une zone géographique confrontée temporairement à une demande accrue. Cette solution semble idéalement adaptée à un contexte de crise sanitaire comme celle du COVID-19. Elle permet de raccourcir la supply-chain et de s'assurer que les produits sont aussi proches que possible des consommateurs finaux. Pour les produits de première nécessité notamment, la rapidité de traitement et de livraison est cruciale : les centres de distribution pop-up permettent donc aussi de « soulager » la pression exercée sur le centre de distribution principal.

Modulable, abordable et flexible, le micro-hub temporaire représente également une option à considérer pour les distributeurs dont l'activité fluctue selon la saisonnalité (fêtes de fin d'année par exemple). Les marques peuvent ainsi tirer parti de ce type de stratégie pour détourner une partie du volume du centre de distribution principal et assurer une qualité de service constante.

Ces quelques exemples démontrent qu'avec des prévisions de flux en hyper croissance dans les 5 ou 10 années à venir (la Fevad prévoit 1 milliard de colis en France en 2020), les secteurs du transport et de la logistique se réinventent. Les micro-dépôts et autres pop-up DC intégreront-t ‘ils bientôt systématiquement la stratégie immobilière des professionnels de la logistique ? Une chose est sûre : face à la crise sanitaire de 2020, la logistique urbaine se positionne donc plus que jamais au cœur des enjeux. Car c'est en démontrant ses capacités d'innovation, de rebond et d’adaptation, que le secteur contribuera à dessiner une ville smart et résiliente.

*Source : La Métropole logistique, L. Dablanc et A. Frémont

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