L’épidémie de COVID 19 qui frappe le monde depuis plusieurs mois déjà constitue une crise majeure sans réel précédent qui devrait entraîner des mesures inédites pour la majorité des secteurs de notre économie. Le doute est permis sur les conditions de reprise, et se pose la question de la résilience de nos modèles. Si l’année 2019 avait été marquée par un record historique des transactions, le printemps que nous venons de vivre a perturbé le marché résidentiel français et provoqué un ralentissement de l’activité qui devrait se répercuter dans la dynamique des transactions sur l’année 2020. Une diminution de l’ordre de -20 % à 25 %, soit l’équivalent de près de 200 à 250 000 transactions en moins si l’on compare au volume de l’année précédente, mais qui reste dans la moyenne du volume de transaction constaté ces 15 dernières années.

Du moins dans les hypothèses, puisque dans les faits le marché de l’immobilier résidentiel promet encore de beaux jours et semble prêt à tirer son épingle du jeu ! Déjà reconnu comme étant l’une des classes d’actifs les plus résilientes en période de crise, et s’inscrivant sur des cycles différents, elle offre des opportunités de diversification intéressantes avec des cash-flows et une visibilité sur le long terme.

Depuis déjà deux ans, le marché de l’immobilier résidentiel progresse de nouveau dans les portefeuilles des investisseurs institutionnels et a enregistré des performances de l’ordre de 4 milliards en 2018 comprenant la vente VESTA à plus d’un milliard, 2019 a enregistré un volume à 3,4 milliards ce qui est une progression si nous enlevons la vente exceptionnelle de VESTA. Le marché de l’Ile de France a quant à lui été particulièrement dynamique avec plus de 2,3 milliards en hausse de 54 %.

A dire vrai, le marché est aujourd’hui principalement trusté par les clients pouvant financer la majeure partie de leurs opérations en fonds propres, à savoir les institutionnels, les compagnies d’assurances et les familly office qui voient dans cette classe d’actifs de la sécurité ainsi que des plus-value latentes. Les SCPI ayant massivement collecté, ainsi que les fonds spécialisés, seront également très actifs en cette deuxième partie d’année, sans parler des organismes de logement social et des opérateurs de logement intermédiaire.

L’investissement résidentiel repose sur un certain nombre de fondamentaux extrêmement sains : répartition du risque (les immeubles multi-locataires sont en ce sens une sécurité), aucune dépréciation de loyers même en temps de crise, ou alors de façon marginalisée, peu voire pas de vacance. Et cela s’est constaté déjà lors des précédentes crises. Enfin, les cycles d’évolution des prix des logements sont assez peu corrélés aux cycles économiques, faisant de cette classe d’actif la plus résiliente.

Durant la période de confinement que nous venons de vivre, l’intérêt des investisseurs ne s’est donc pas démenti. L’intérêt est encore très présent et les promoteurs qui ont pu céder des logements en bloc durant cette période ont trouvé des interlocuteurs très à l’écoute.

Pour ne parler que de nos deals, 99 % des promesses de vente convenues avant la période de confinement ont été confirmées. De plus, la première semaine de déconfinement a affiché un agenda remplit à 80 % quasiment comme avant le confinement. Afin que les visites soient plus qualifiées, nous avons profité de cette période pour engager de nouveaux modes de communication et favoriser la pré-visite (visites immersives 360°, webinars, ainsi que les signatures à distance des actes et promesses de vente).

De nouvelles opportunités de cessions de logements en blocs devraient poindre dans les prochains mois. En réalité, ce qui manque aujourd’hui ce ne sont pas les clients, mais les biens. Notre marché est en sous offre, notamment dans les grandes métropoles, ce qui ne fera que renforcer la pression déjà présente. Une tendance qui devrait continuer et voir s’accroitre avec le phénomène de métropolisation déjà en cours. Les mises en vente accusent d’ores et déjà un recul important de l’ordre de -13 %, impactant le stock disponible à la fin de l’année de moins de 10 500 logements. De plus, si la commercialisation a perduré, les mises en chantier et de délivrance des autorisations administratives pour construire sont à l’arrêt pour encore quelques semaines. Au T4 2019, la délivrance des permis de construire et les mises en chantiers ont baissé respectivement de -3 % et de -1,4 %. Ce retard accumulé et le report du second tour des élections municipales –et par là de la constitution des conseils municipaux- contribuent à la baisse significative de la mise à disposition de l’offre de nouveaux logements aussi bien neuf que de logements anciens qui doivent avoir la validation des maires. Ce qui ne manquera pas d’accroître encore la tension sur les marchés immobiliers tendus.

Les programmes neufs mis en vente devraient encore se raréfier. Aussi, si nous pouvons considérer que les investisseurs vont se comporter de manière très opportunistes dans les prochaines semaines, le marché, résultante de l’offre et de la demande, affichera toujours une concurrence très forte entre les différents acteurs du a un manque d’offre.

Ainsi, le marché devrait naturellement se maintenir. Je ne pense pas que nous allons connaître des baisses significatives de prix. Il pourrait y avoir des ajustements de prix à court terme, mais qui tendront certainement à un retour rapide à la normalité.

Ce que l’on peut dire, c’est que la capacité d’acquisition des ménages est aujourd’hui au plus haut et devrait venir soutenir la demande (+21 % pouvoir d’achat immobilier par rapport à la moyenne de long terme 1985/2019). Un indicateur qui se base tout à la fois sur l’environnement financier (taux et durée d’emprunt), l’évolution des revenus et les prix.

Cette crise, comme les précédentes, aura l’avantage de faire revenir une hiérarchisation de la valeur des biens dans un même immeuble, c’est pourquoi je parle plus de correction des prix, que d’une baisse généralisée. Les critères fondamentaux seront l’emplacement, la qualité du bien, le secteur, la typologie et la qualité du plan. Ceux disposant des fondamentaux les plus solides résisteront en terme de valeur, les autres subiront des corrections de prix. Nous allons revenir je pense à des grilles de valeur plus cohérentes qui vont se concentrer sur les qualités intrinsèques des biens.

Concernant les secteurs les plus porteurs, aujourd’hui, les grandes métropoles régionales offrent de belles opportunités et ont encore de beaux jours devant elles. Lyon et Bordeaux affichent notamment des taux de rendement plus importants que Paris, mais les écarts se resserrent fortement.

Un optimisme à mesurer cependant pour les produits les plus atypiques qui risquent de pâtir un peu plus de cette période. Les investisseurs demanderont des primes de risque plus importantes et donc un taux de capitalisation plus important pour ce type de produit.

Je pense également à la clientèle des « marchands de biens », à qui les banques vont certainement demander beaucoup plus de fonds propres, et qui de ce fait, sera un peu moins présente en cette fin d’année. Quant au primo accédant, il risque d’être plus difficilement finançable avec les conditions de crédit qui se durcissent, comme cela semble être le cas en ce moment

 Mais le secteur de l’immobilier résidentiel ne devrait pas en pâtir, l’immobilier représente bien souvent un projet de vie et investir dans la pierre est lié à une certaine forme de réassurance. La récente enquête de MeilleursAgents vient renforcer ce constat puisque 68 % des Français considèrent l’immobilier comme un investissement sûr. La photographie est donc positive et j’espère un retour « à la normale » pour les Français et le secteur le plus rapide possible.

Tribune signée

Jean-François Morineau, Directeur Général Délégué de BNP Paribas Real Estate Conseil Habitation & Hospitality