Au cours de ces dernières années, l’Allemagne a posé de solides bases pour le développement de l’investissement ESG (Environnement, Social, Gouvernance) grâce à un certain nombre de réglementations nationales. Aujourd'hui, le marché immobilier allemand se prépare à profiter des réglementations européennes sur l’investissement responsable (règlements Disclosure et Taxonomie), pour offrir davantage de clarté et de transparence aux investisseurs. Néanmoins, des défis s’imposent encore comme la collecte de données fiables sur les consommations énergétiques des immeubles, et la traditionnelle aversion au risque de beaucoup d’investisseurs allemands.

Des réglementations nationales déjà bien en place

Efficacité énergétique et protection des salariés

 

Le législateur allemand s’est depuis longtemps penché sur les problématiques de l’ESG, ce qui a contribué à sensibiliser le pays à ces questions. « Avant même que le terme ESG ne devienne populaire, les sujets environnementaux faisaient partie de notre quotidien », explique Isabella Chacón-Troidl, Chief Investment Officer chez BNP Paribas Real Estate Investment Management Germany GmbH.

Le marché immobilier allemand a été façonné par des réglementations relatives à l’efficacité énergétique des immeubles (Ordonnance allemande sur les économies d'énergie : Energieeinsparverordnung - EnEV) notamment dans le secteur de l’immobilier résidentiel, à la pollution de l’environnement (Federal Immission Control Act) et à des problématiques sociales comme la protection des salariés (Occupational Health and Safety Act). Par ailleurs, les premières exigences de l’Allemagne en matière d’efficacité énergétique pour les bâtiments remontent à 1977.

La pandémie de Covid-19 et la Taxonomie européenne ont participé à stimuler le secteur de l’ESG. Les investisseurs allemands nous interrogent sur les performances énergétiques et sanitaires de nos actifs immobiliers. 

Isabella Chacón-Troidl
Chief Investment Officer BNPPRE Investment Management GER
Investisseurs, propriétaires, locataires

L’ensemble de la chaîne de valeur immobilière concernée par l’ESG

 

Dans une étude menée par KPMG International en juin, 54% des sociétés de gestion de portefeuilles interrogées, déclaraient vouloir davantage orienter leurs portefeuilles vers des fonds ESG, et 31% y être déjà pleinement impliqués*. Les investisseurs allemands recherchent de plus en plus de produits d’investissement en cohérence avec les Objectifs de Développement Durable (ODD) définis par l’ONU. Ces 17 objectifs fixés par les Nations-Unis ont pour objectif de créer un avenir plus durable et plus juste, et rencontrent de nombreux points de connivence avec les critères ESG.

« La montée en puissance de l’ESG ne se cantonne pas aux investisseurs. « Les locataires s’intéressent davantage à ces sujets. Ils demandent si les bâtiments utilisent des matériaux durables et locaux, si les fournisseurs sont en adéquation avec leurs propres principes sociaux, etc. » témoigne Isabella Chacón-Troidl. Le développement des démarches ESG s’explique aussi par le fait que les entreprises y voient un moyen d’attirer et de retenir les talents. La génération Y veut travailler pour des entreprises respectueuses de l’environnement et de la société, et le Covid-19 va probablement renforcer cette tendance. » ajoute-t-elle.

Pour répondre à cette demande, et s’inspirant du modèle scandinave et autrichien, l’Allemagne multiplie les projets immobiliers qui mixent l’utilisation du bois et du béton, particulièrement dans le secteur de l’immobilier résidentiel. La construction et la démolition de bâtiments uniquement en béton est très énergivore, alors que le développement de structures en bois engendrent moins d’émissions de carbone. L’utilisation du bois dans les constructions immobilières devrait être amenée à se développer dans les prochaines années.

L’investissement ESG stimulé par les réglementations européennes

Taxonomie européenne

 

Les nouvelles réglementations imposées par l’Union européenne sont plutôt perçues comme une opportunité par le secteur de l’investissement immobilier allemand. Le secteur immobilier est depuis longtemps régi par des lois régionales, et la Taxonomie européenne va exiger de la part de l’ensemble des acteurs financiers de s’assurer que leurs produits respectent les standards ESG s’ils les qualifient ainsi.

La Taxonomie européenne va aider l’ensemble de l’industrie de l’immobilier à mieux référencer ses produits d’investissement immobilier. Elle va garantir plus de transparence pour les investisseurs car ces derniers vont pouvoir comparer des actifs sur des critères de durabilité. 

Isabella Chacón-Troidl
Chief Investment Officer BNPPRE Investment Management GER

Ainsi, la nouvelle réglementation européenne devrait encourager la demande pour les produits d’investissement immobilier intégrant une approche ESG.

Néanmoins, cela souligne une problématique que le marché de l’investissement immobilier allemand rencontre souvent : la collecte de données fiables sur les actifs immobiliers.

Transparence et fiabilité de la data

Vers un meilleur partage des données de l’immeuble

 

Les règlements Taxonomie et Disclosure européens exigent des gestionnaires de portefeuilles immobiliers de disposer d’informations claires sur les produits qu’ils proposent afin de les qualifier d’ESG. Cela signifie qu’ils doivent avoir en leur possession des données fiables sur les performances environnementales, énergétiques et sociales des actifs immobiliers présents dans leur fonds. En Allemagne, la collecte de ces données est un véritable défi.

 

Les locataires ne sont tenus à aucune obligation légale qui les contraint à partager leurs consommations énergétiques. Or, pour améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments et réduire les émissions de CO2, il est important de connaître ces données pour prendre des mesures correctives. Ainsi, les baux peuvent être modifiés pour inclure des clauses sur l’échanges de données sur l’immeuble, le contrôle et le pilotage de l’énergie et plus globalement sur une gouvernance et une démarche ESG. L’objectif, en sensibilisant les locataires, est de les encourager à partager leurs données de consommation d’énergie mais aussi d’adopter eux-mêmes des habitudes de consommation plus durables.

Il y a deux ans, BNP Paribas Real Estate Investment Management (REIM) Germany GmbH a été l’un des premiers acteurs du marché de l’investissement immobilier à proposer des baux intégrant des énergies renouvelables aux locataires. Aujourd’hui, l’entreprise continue à améliorer la digitalisation de la collecte de la donnée et l’utilisation des technologies au service de l’immeuble.

Investir dans la rénovation énergétique des bâtiments

Améliorer le parc immobilier existant

La montée en puissance de la digitalisation est un des exemples de la stratégie de BNP Paribas REIM Germany GmbH. L’entreprise s’attache aussi à réduire les émissions de gaz à effet de serre de ses actifs immobiliers en investissant dans les technologies afin de rénover d’anciens bâtiments plutôt que d’investir dans des nouveaux immeubles. C’est le cas avec European Impact Property Fund (EIPF).

Lancé fin 2020, le fonds EIPF a pour visée de réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre de son portefeuille d’ici dix ans. Cela en fait le premier fonds à se fixer comme objectif d'être en ligne avec l’Accord de Paris sur le climat. « Il y a de nombreux immeubles dans les fonds que nous gérons qui bénéficient d’une localisation et proximité avec les transports idéaux mais qui restent peu efficace en termes d’énergie. » explique Isabella Chacón-Troidl. « Pourtant en améliorant leur performance énergétique, nous pouvons faire de ces immeubles des actifs à forte valeur ajoutée tout en réduisant les émissions de CO2. »

Bien-être des utilisateurs et logements abordables

Viser au-delà des économies d’énergie

 

Comme dans de nombreux pays, les enjeux d’efficacité énergétique et environnementaux ont tendance à dominer le sujet de l’intégration ESG dans l’investissement immobilier en Allemagne. Pourtant, les deux autres volets, le social et la gouvernance, ont toute leur importance.

« BNP Paribas REIM Germany GmbH ayant pour actionnaire une banque, les sujets de gouvernance et de Responsabilité sociale des entreprises (RSE) ont toujours été une priorité. » explique Isabella Chacón-Troidl. « Quant aux aspects sociaux, le secteur immobilier attache une attention grandissante au bien-être des personnes au sein des immeubles et à son impact sur la société. »

Travailler sur le bien-être des locataires nécessite d’adopter une vision holistique de l’immeuble et de son environnement, et de se poser des questions telles que : y-a-t-il un équilibre entre une offre de bureaux, logements et commerces ? Y-a-t-il une crèche et une salle de sport ? Y-a-t-il une bonne connectivité ?

Dans le secteur résidentiel allemand, la demande pour les actifs immobiliers à prix abordables augmente. Les grandes villes sont de plus en plus chères avec un niveau de vie élevé. Les investisseurs allemands qui investissent dans des logements aux prix accessibles y voient un moyen de faire de leur investissement un impact social.

En revanche, le secteur de l’immobilier de bureau a encore des marges d’amélioration en ce qui concerne le volet social de l’intégration ESG. En observant le comportement des locataires dans les immeubles, il serait par exemple possible de voir si la répartition des activités (entre bureaux, espaces de bien-être, etc) répond aux critères sociaux du fonds.

Des espaces de l’immeuble pourraient être loués à des tarifs réduits à des artistes ou à des associations par exemple. « Nous avons aussi besoin de quantifier les actions du volet social mises en place au sein des actifs immobiliers grâce à la collecte de données » ajoute Isabella Chacón-Troid, qui confirme l’importance de convaincre les investisseurs en mettant davantage en lumière les avantages de l’enjeu du bien-être des utilisateurs et de l’investissement à impact social.

L’intégration ESG, un moyen de réduire les risques

Aversion au risque

 

Traditionnellement, les investisseurs allemands ont plutôt une aversion au risque. Ainsi, par le passé, cette aversion aurait pu être un obstacle au développement des investissements à orientation ESG. Mais la pandémie de Covid-19 and les nouvelles régulations européennes ont tendance à inverser la tendance. Les règlements Disclosure et Taxonomie européens vont permettre de mieux comparer les produits d’investissement et pour les investisseurs, de prendre des décisions avec moins de risque.

Par ailleurs, les investisseurs réalisent de plus en plus que les investissements à orientation ESG peuvent non seulement améliorer la résilience de leur portefeuille mais également réduire les risques.

« En fin de compte, les investisseurs risquent de perdre de la valeur s’ils ne suivent pas la tendance ESG » conclut Isabella Chacón-Troidl. « L’intégration ESG est un investissement dans l’avenir et l’attractivité de l’actif immobilier sur le long terme – et nous pensons qu’il participera in fine à distribuer de meilleurs retours dans les années à venir. »

* Source : Etude KPMG, Real Estate in the new reality, juin 2020

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