Michael Pawlyn est un architecte spécialisé en biomimétisme et « conceptions régénératrices ». Il a fondé sa société Exploration en 2007 après avoir contribué au Projet Eden au Royaume Uni, gigantesque jardin tropical qui s’inspire de la nature pour créer de nouveaux rapports entre les humains et les plantes. Il détaille l’influence croissante du biomimétisme et explique pourquoi la nature a encore tant de choses à nous apprendre.
Le biomimétisme puise dans la nature pour y trouver de nouvelles solutions afin de répondre aux besoins humains. D’une certaine façon, cette idée remonte à Léonard de Vinci et peut-être même encore plus loin. Par exemple, lorsque l’architecte Filippo Brunelleschi a conçu le dôme de la cathédrale Santa Maria del Fiore à Florence au XVème siècle, il s’est inspiré des coquilles d’oiseaux et des coquillages pour pouvoir réaliser le dôme le plus fin possible. Aujourd’hui grâce au progrès scientifique, nous pouvons regarder ces coquilles d’oiseau et ces coquillages et avoir une meilleure compréhension de la microstructure et de la science, et aller beaucoup plus loin que les pionniers du biomimétisme.
Ce que je trouve incroyable c’est la quantité de possibilités que la nature nous offre, une véritable source d’inspiration, avec toutes les solutions fantastiques qui existent dans le monde du vivant. Ces solutions ont été perfectionnées au fil du temps.
En tant qu’architectes, nous pouvons nous appuyer sur elles pour nous aider à créer des structures plus efficaces et utiliser les matériaux de façon raisonnée afin de les intégrer dans des systèmes circulaires et zéro-déchet. Nous pouvons même apprendre à concevoir des villes zéro-déchets qui offrent une meilleure qualité de vie aux habitants.

Un jardin-monde : le projet Eden
Lorsque je travaillais sur le Projet Eden au Royaume Uni, nous essayions d’apprendre de la biologie, depuis l’intégration du bâtiment dans le site, jusqu’à la façon dont il était structuré, clôturé et même la manière de créer des jonctions entre les dômes.
Ce sont les dômes du Projet Eden qui rendent le site si unique. Il s’agit de deux structures immenses qui abritent des biosphères radicalement différentes que les visiteurs peuvent explorer : la première, un biome tropical humide et la deuxième, un biome tempéré. Pour construire ces dômes, nous avons regardé la nature et la manière dont la biologie subdivise les sphères. C’est presque toujours avec une combinaison d’hexagones et de pentagones, ce qui a conduit à la grille tri-hex, nom de ce type de structure. En y regardant de plus près, nous avons constaté que ces structures peuvent souvent être légères et efficaces en utilisant simplement des membranes pressurisées. C’est en partie ce qui a conduit à l’idée d’utiliser un matériau expansé, l’ETFE, un polymère ultrarésistant qui représente 1% du poids du double vitrage. Ceci nous a permis de réaliser d’importantes économies. Par exemple, en utilisant des matériaux plus légers, il a fallu moins d’acier, il y avait plus de lumière naturelle dans le bâtiment et nous avons pu prévoir des fondations moins importantes.
L’idée de réaliser des économies importantes en termes de coût et d’émissions carbone fait intrinsèquement partie des projets sur lesquels je travaille, comme par exemple l’immeuble de bureaux que nous avons conçu qui permet de réaliser environ 50% d’économies en verre, 75% en aluminium et 30-40% en béton. Non seulement le bâtiment coute moins cher à la construction mais c’est bien mieux pour les occupants, en raison de la qualité de l’espace, de la lumière et de la vue.

Le biomimétisme à l’échelle d’une ville
Pour moi il y a une différence entre ce qui est durable et ce qui peut se régénérer. Nous devons faire mieux que des projets durables dans la mesure où il a été démontré que cette approche est extrêmement limitée car trop centré sur l’être humain et ne prenant pas en considération le reste du monde vivant. L’approche durable est également limitée au regard de l’ambition car il s’agit simplement de réduire des aspects négatifs, essayer d’être « moins mauvais ». Nous devrions aller au-delà de cette ligne de neutralité et trouver le moyen de réaliser des impacts positifs nets. Dans les dix années à venir, nos gouvernements vont être obligés de réduire considérablement les émissions carbones et si nous ne faisons pas de réelles transformations dans nos villes et modes de vie, nous allons avoir, en tant qu’espèce, du souci à nous faire.
En tant qu’architecte il est important de comprendre les systèmes complexes. Dans le monde du vivant, on peut observer un large éventail de systèmes imbriqués et interconnectés. Le défi pour nous est dans la manière d’intégrer ce que nous faisons dans ces systèmes, en utilisant les caractéristiques des écosystèmes dans la conception de nos villes. En procédant de la sorte, on ira progressivement vers des systèmes zéro-déchets. Cela implique que nombre de décisions doivent être prises, notamment sur les types de matériaux à utiliser et la manière dont nous les incorporons dans les bâtiments, mais je suis convaincu que c’est totalement réalisable.
Les pandémies et notre rapport à la nature
Je suis persuadé que la pandémie de la Covid-19 marque la fin de l’exceptionnalisme humain : l’idée que nous sommes, d’une certaine manière, à l’abri des lois de la physique, de la chimie, de la biologie et du changement climatique. Nous savons que la plupart des pandémies viennent des animaux, et plus on bouleversera les écosystèmes plus elles apparaîtront. J’espère simplement que cela nous poussera à adopter une relation plus respectueuse avec le reste du monde vivant et de la manière dont on s’y intègre. Nous devons comprendre et respecter son importance.
Un autre sujet lié au biomimétisme est la biophilie, l’idée selon laquelle les êtres humains ont besoin du contact régulier avec la nature dans laquelle l’espèce a évolué pour être en meilleure santé et plus productifs. C’est une discipline à part entière qui peut s’appliquer à la conception des bâtiments. Il y a un exemple bien documenté de l’Hôpital Paoli Memorial en Pennsylvanie aux Etas-Unis, avec des patients ayant subi la même opération. La moitié des lits avait une vue sur une cour plantée et l’autre sur un mur en brique. Ceux qui pouvaient voir la nature ont récupéré plus vite et ont eu besoin de moins d’antalgiques. Si on pense aux avantages sur le plan humain – en mettant de côté les avantages purement économiques – c’est comme cela que nos hôpitaux devraient être construits. Et pourquoi s’arrêter aux hôpitaux ? Pourquoi ne pas en faire de même pour nos espaces de travail, nos écoles, nos maisons et même nos villes ?

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