Alors que les Français semblaient porter leur préférence vers les commerces de proximité pendant le confinement, privilégiant ainsi les circuits courts et l’économie locale, la date du 11 mai a marqué une nouvelle étape déterminante. Il est à noter toutefois que les grands gagnants furent les enseignes alimentaires des grands groupes, capables de s’adapter et de proposer une large gamme de produits sur tout le territoire. Une tendance déjà présente chez les consommateurs, soucieux depuis ces dernières années de « mieux consommer » et de contrôler la qualité et la provenance des produits. Les Français déclarent en effet, dans une enquête IFOP pour BNP Paribas Real Estate parue au mois d’avril 2020, limiter les commandes en ligne pour réinvestir les commerces de proximité (27%) pendant le confinement. C’est aussi l’occasion pour eux de tester une consommation plus locale (57%), voire même de changer leurs habitudes (27%). Enfin, toujours d’après la même étude, un tiers d’entre eux souhaitent davantage fréquenter les commerces de quartier à l’issue du confinement. Il faudra bien entendu rester prudent sur ces déclarations, car on a pu constater dans les faits, une forte sollicitation des plateformes de vente en ligne. Peut-on tout de même considérer cette prise de conscience comme une aubaine pour des cœurs de ville parfois délaissés au profit des grands retail parks et des centres commerciaux périurbains ? Cette évolution sera-t-elle passagère ou se confirmera-t-elle plus durablement ?

Des prévisions encore complexes et relatives dans un contexte inédit

 

Tous les magasins ont rouvert le 11 mai excepté les grands magasins et les centres commerciaux de plus de 40.000 mètres carrés. Il est donc logique que les plus petites boutiques, celles présentent en centre-ville notamment, soient pour l’instant plus « avantagées » dans cette reprise progressive de l’activité. Un « pic de consommation » sera peut-être provoqué par un rattrapage (« revenge shopping ») pour les Français qui auront pu épargner pendant le confinement. Il est également à noter que la clôture des lieux culturels, des bars et des restaurants, permettra peut-être de transférer une part du budget « plaisir » sur d’autres types de biens et de services. Toutefois, dans un contexte incertain, il reste légitime de se demander s’ils consommeront comme avant ou s’ils privilégieront l’épargne. En effet, toujours selon l’étude IFOP pour BNP Paribas Real Estate précédemment citée, les français confirment vouloir rester prudents et économiser autant que possible leur argent à 84%. Par ailleurs, si les placements où l’argent reste disponible immédiatement sont privilégiés (livret A, LDD), l’immobilier représente leur second placement préféré.  En bref, les variables sont nombreuses et les premiers constats devront se faire avec prudence et un certain relativisme.

D’un autre côté, il est important de prendre en compte celles et ceux qui ont perdu leur source de revenus ou ne possèdent pas les moyens de consommer de la même manière qu’avant la crise. L’angoisse de se retrouver dans des lieux fréquentés et confinés pourrait également dissuader certains consommateurs de se rendre en boutique et de privilégier les drives et les commandes en ligne. Cependant, l’heure est à l’adaptation et les premiers jours de déconfinement ont vu le retour des Français dans les rues commerçantes des centres-villes. Les mesures de précaution ont été suivies : distanciation indiquée par un marquage au sol, usage de visières ou de plexiglas, réservation en ligne pour retirer les marchandises sur places, masques, gants… de plus, La France reste un pays où la demande est plus marquée que chez ses voisins européens. Un point crucial sur lequel il sera possible de miser pour une relance à court terme. D’après l’INSEE, en 2018, la consommation effective des ménages français en volume par habitant est supérieure de 7% à la moyenne de l’Union européenne. Cette propension marginale à consommer sera-t-elle salvatrice pour le retail de nos centres-villes ?

« E-proximité » et commerce « Phygital » : vers un renforcement des tendances ?

 

Si le e-commerce a profondément transformé et parfois bousculé le secteur du commerce physique, l’heure n’est plus à la confrontation, mais à l’hybridation des canaux de distribution. Les offres omnicanales se multiplient et tendent à devenir la norme si bien que l’on parle aujourd’hui de commerce phygital (néologisme issu des termes « physique » et de « digital »). Le client désormais au cœur des stratégies de distribution souhaite une expérience d’achat sans rupture. Le e-commerce est donc également une aubaine pour les commerces de proximité. On l’aura vu pendant la crise, les services de livraison ou de précommande auront permis de désengorger des espaces parfois trop petits pour accueillir un public tout en respectant les normes de distanciation sociale. Les commerces de proximité ont désormais la capacité de dématérialiser leur offre tout en favorisant l’économie locale. 

 

La désertification commerciale de certains centres-villes avant la crise était la résultante de nombreux facteurs qu’il ne faut pas imputer seulement au succès du e-commerce. De plus, les artères commerçantes des grandes métropoles comme Londres, Paris ou encore Barcelone, ces fameuses high streets, continuaient et continueront d'être fortement sollicitées. Stimulées par le tourisme, elles devraient toutefois connaître une reprise difficile, mais elles n’en demeurent pas moins des lieux stratégiques et prestigieux sur lesquels les enseignes souhaitent capitaliser. Les Apple Stores ou les Starbucks en sont un exemple concret, c’est également le cas pour les boutiques de luxe.

Des géants du secteur comme Amazon, précurseurs dans la digitalisation du commerce et du retailog cherchent également à ouvrir des magasins physiques. Le centre-ville n’est donc pas mort, il pourrait même être réhabilité. Il en va de même pour les grands groupes alimentaires qui s’adaptent en implantant des magasins de proximité avec des formats en fonction de la zone de chalandise (Carrefour City, Carrefour Express, Carrefour Market, ...). Le client peut désormais commander sur internet des produits de première nécessité via le drive, faire d’autres achats dans le magasin, puis retirer sa commande par la suite. L’expérience s’en trouve unifiée et transversale. Pourquoi alors ne pas songer aux mêmes solutions pour d’autre secteur (textile, magasins de sport, décoration…), avec des drives piétons et/ou vélo en cœur de ville ?  L'idée sera donc de répondre aux attentes des consommateurs, selon leur quotidien et leur territoire, en phase avec les normes sanitaires et la volonté de « relocaliser ». L’expérience d’achat constitue une valeur ajoutée que le shopping en ligne ne peut offrir.

S’il reste difficile de faire des prévisions, le retail de centre-ville possède de nombreux atouts pour convaincre les consommateurs, les commerçants et les bailleurs.  « À ceux qui craignent une baisse d’activité, je réponds que les consommateurs sont toujours là ! », affirme Thierry Bonniol, directeur associé du département commerce France chez BNP Paribas Real Estate. « La consommation se poursuit. Certes la situation va encore appeler à la prudence dans les prochains mois, mais elle ne va pas s’arrêter pour autant et les commerces de proximité et solidaires s’en retrouveront gagnants. Cette crise a incité les Français à s’entraider et à partager davantage. Les commandes groupées se développent et les commerçants et artisans locaux ont pu revaloriser leur travail et continuer à travailler durant cette période, entraînant une prise de conscience forte de la valeur travail et d’une consommation plus responsable et solidaire. Ce qui renforcera davantage, je crois, les circuits de proximité, du moins pour le secteur alimentaire. Pour les autres secteurs, ceux dont la production locale n’est pas nécessairement envisageable, on verra émerger de nouvelles façons de « faire commerce » et de nouveaux modèles économiques. Le commerce a toujours existé, il saura s’adapter et trouvera une nouvelle façon de prospérer ».

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