Les méthodes les plus efficaces pour lutter efficacement contre le dérèglement climatique, s’adapter à la raréfaction des ressources, fabriquer les villes de demain ou encore optimiser la gestion des déchets, doivent-elles, et peuvent-elles, reposer inexorablement sur le progrès technologique, la high tech, les Intelligences Artificielles (IA) et les technologies « vertes » ? Souvent perçues comme sources de progrès, ces technologies peuvent aussi créer de nouveaux besoins aboutissant à la production de nouveaux objets et services dérivés non essentiels, tout comme nos modes de consommation, notamment à cause de logiques d’obsolescence programmée. A l’heure où durabilité et résilience sont de mise, les professionnels et acteurs de la fabrique urbaine s’accordent pour un usage plus raisonné des ressources et des outils, ainsi que pour un impact écologique et social visant la sobriété énergétique et matérielle.

Une nouvelle trajectoire se dessine ainsi : celle du mouvement basé sur les innovations low-tech – ici appliquées aux villes, puisque celles-ci concentrent la majorité des populations, activités et infrastructures. Ce terme formé par antonymie avec le high-tech, au contour encore flou, désigne des pratiques et innovations durables (produits ou services) prenant mieux en compte les contraintes sur les ressources, en se focalisant sur les technologies sobres, agiles et résilientes.

Conscient de ces enjeux, le collectif « Quand les bâtisseurs de la ville accélèrent l’innovation urbaine low-tech », animé par l'Urban Lab de Paris & Co, l’Atelier 21, et composé de Groupama Immobilier, GRDF, BNP Paribas Real Estate, Grand Paris Aménagement, SNCF Immobilier et de l’Arep s'est fédéré en octobre 2021 pour définir une vision, des outils et des pistes d'actions pour une transition urbaine qui vise à transformer nos villes grâce à des modèles plus low-tech. En juin 2022, ce collectif a publié un manifeste intitulé « Ensemble, pour une transition urbaine low-tech ». Les présidents et directeurs généraux de ces entreprises partenaires en sont les premiers signataires et invitent tous les acteurs qui fabriquent la ville à les rejoindre dans cette dynamique utile, responsable et engagée.

Comment définir l’approche low-tech ?

Faire mieux avec moins

 

S’il n’existe pas de définition faisant consensus, cette notion est comprise par le collectif comme une démarche visant à remettre la technologie à sa juste place dans nos modèles de développement, sans l'en supprimer nécessairement. La low-tech est dès lors envisagée comme une démarche systémique impliquant à la fois les aspects environnementaux, sociaux et économiques, souvent indissociables.

La démarche low-tech prend comme point de départ les besoins des citadins et se demande comment habiter, se déplacer, consommer et produire de manière soutenable. Questionnant la course à l’innovation ultra-technologique particulièrement énergivore, elle fait preuve d’un plus grand discernement quant aux technologies, et pose un nouveau regard éthique sur le progrès en cherchant à valoriser l’existant tout en misant sur la création d’espaces urbains plus sobres.

Rénover nos bâtiments, investir des espaces sous occupés (friches, parkings, bureaux vacants…) pour développer de nouveaux usages, réparer nos équipements ou encore transformer nos modèles énergétiques sont autant d’actions permettant de limiter le réchauffement climatique. Cette nouvelle approche repose sur des valeurs structurantes, telles que l’accessibilité économique des solutions, leur simplicité, leur localité, leur utilité et, plus largement, la sobriété.

Ainsi considérée, la low-tech se distingue du développement durable dans la mesure où elle interroge précisément la question du développement : celui de nos besoins, de nos productions et de nos consommations. Elle pourrait se résumer par cette formule : faire mieux avec moins.

A travers l’approche low-tech, les membres du groupe de travail visent avant tout la performance en matière d’impact climatique, écologique et économique, la maîtrise des risques, la résilience, la lutte contre l’obsolescence programmée et la transformation, notamment culturelle, de notre rapport à la technique.

Catherine Papillon
Catherine Papillon Directrice Développement Durable/RSE
BNP Paribas Real Estate et membre du collectif

L’approche low-tech est-elle pertinente à l’échelle urbaine ?

Offrir un cadre opérationnel aux acteurs de la ville

 

La démarche de la low-tech appliquée aux territoires urbains apporte-t-elle quelque chose de plus au foisonnement de concepts et d’initiatives déjà présents dans la fabrique de la ville ?

La ville low-tech n’est pas un nouveau label. L’AREC-IDF définit[1] la ville low-tech comme « un système territorial ou urbain, dont les pratiques sociales, la gouvernance, le rapport au vivant et le fonctionnement économique, témoignent de la mise en œuvre d’un urbanisme de discernement. Cette démarche holistique, critique et éthique, repose sur quatre principes : l’éloge du suffisant, la gestion soutenable des ressources, la convivialité (appropriation, accessibilité des outils et des savoirs) et la recherche d’une juste échelle dans les organisations et les solutions. »

En interrogeant les besoins et la proportion des moyens engagés aux différentes échelles territoriales – de l’îlot à la grande métropole, du très dense au plus rural, la démarche low-tech peut offrir un cadre opérant pour traiter des enjeux urbains et fournir un nouveau terrain de politiques publiques pour les collectivités locales. Appliquée à l’échelle urbaine, elle pourrait ainsi avoir un impact sur le bâti, les modèles économiques, les mobilités et plus généralement sur les modes de vie et la qualité de vie.

Où en est la démarche de la ville low-tech ?

Diffuser le foisonnement d’initiatives à grandes échelles

 

Aujourd’hui, le mouvement a déjà commencé : utilisation de matériaux biosourcés (bois, terre crue, paille…), recycleries, ressourceries, cafés solidaires, ateliers de réparation, développement de filières du réemploi, rétrofit… les initiatives fleurissent. Nombreux sont les acteurs qui se sont déjà emparés de ce modèle, l’ont nourri, l’ont fait évoluer et connaître. Ils ont testé des innovations frugales et ont prouvé que bien vivre low-tech, c’est possible et même plutôt agréable.

Nombreux sont également les exemples de solutions low-tech applicables aux territoires urbains. Relevant souvent du bon sens, de bonnes pratiques internes, d’innovations frugales actuelles ou d’inventions oubliées du passé, ces solutions s’inscrivent dans une démarche solidaire et engagée vers plus de sobriété. Concevoir des bâtiments bioclimatiques pour augmenter le confort tout en réduisant les coûts de chauffage et de refroidissement (géothermie, store-banne…), réutiliser le foncier vacant pour créer des réseaux locaux de stockage et de réemploi des matériaux, apprendre à reconditionner et réemployer les chaudières pour économiser nos ressources et créer de nouveaux métiers, ou encore végétaliser les espaces urbains pour s’adapter au changement climatique ne sont que quelques exemples à fort potentiel de transformation dans la construction de la ville de demain.

BNP Paribas Real Estate s’inscrit pleinement dans cette démarche de ville low-tech comme en témoigne la reconversion de l’ancien atelier Renault situé à Boulogne-Billancourt en son immeuble de bureaux : METAL 57. Réemploi de matériaux, transformation de l’ancien site en bureaux ouverts sur la ville mais également mise en place d’un pôle de mobilités douces et mutualisation d’équipements tels que des auditoriums, salles de conférences, business center, parkings qui ne sont pas utilisés tout au long de la journée, témoignent de la démarche low-tech mises en place par BNP Paribas Real Estate.

L’enjeu, à présent, est de diffuser ces initiatives et d’appliquer leurs principes à des échelles plus grandes et à des organisations plus structurantes pour les territoires et pour la société. C’est cet esprit collaboratif qui a guidé le collectif « Quand les bâtisseurs de la ville accélèrent l’innovation urbaine low-tech », qui réunit des aménageurs, constructeurs, promoteurs, énergéticiens, gestionnaire d’actifs, investisseurs et concepteurs. C’est de la systématisation de ce type d’initiative que viendra une véritable rupture.

Quelle contribution apporte le collectif ?

100 solutions low-tech déjà identifiées

 

Pendant dix mois, les membres du collectif ont interrogé nos habitudes de vie et de consommation, questionné la course à l’innovation ultra-technologique, posé un nouveau regard sur le progrès, se demandant comment innover autrement, avec discernement.

A travers une série d'ateliers de sensibilisation, d'intelligence collective et de challenges internes, plus de 400 collaborateurs appartenant aux entreprises partenaires de la démarche ont contribué à l'identification de solutions low-tech à appliquer à la ville de demain.  

Plus de 100 fiches projets s'inscrivant dans une démarche low-tech, pouvant facilement être déployées par les acteurs de la fabrique urbaine, ont ainsi été identifiées. Parmi cette centaine de projets, un top 10 des solutions les plus inspirantes a été retenu, sur la base de leur compatibilité avec la démarche low-tech mais aussi leur faisabilité, leur potentiel de déploiement à grande échelle et leur caractère innovant.

Dans le but de remettre la « tech » à sa juste place dans les milieux urbains et pour essayer de sortir du tout technologique, cinq grands défis ont également été mis en avant :

  • Renforcer la résilience climatique,
  • Réorganiser les territoires,
  • Transformer les modèles énergétiques,
  • Faire muter l’existant pour économiser les ressources (rénover low-tech),
  • Changer les paradigmes socio-culturels.

 

« Nous, collectif de professionnels de la fabrique urbaine, misons sur le principe de coconstruction pour construire des projets systémiques, où chacun à son rôle à jouer. De plus en plus, les aménageurs, constructeurs, opérateurs de réseaux, concepteurs, ainsi que les utilisateurs finaux et autres acteurs de l’urbain sont amenés à œuvrer ensemble, pour concevoir par exemple des territoires bioclimatiques, capables de réguler la température avec des procédés constructifs plus sobres et respectueux de l’environnement. Ou encore pour concevoir des aménagements favorisant la mobilité décarbonée », a également déclaré pour l’occasion Catherine Papillon.

Et d’ajouter : « Plus largement, nous invitons toutes celles et ceux souhaitant faire le pari de la nuance, du discernement, de l’approche raisonnée et de la juste mesure dans la fabrique de la ville à s’emparer de la dynamique low-tech. Les solutions ne manquent pas, les acteurs non plus : il est désormais temps d’agir, ensemble. »

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