Face à l’accroissement de la population urbaine et aux risques de crises agricoles liées au réchauffement climatique, les villes rêvent de devenir autosuffisantes sur le plan alimentaire. L'agriculture urbaine, est-elle une perspective réaliste ou une douce utopie ? Dans tous les cas, la dynamique est enclenchée. Gros plan sur des initiatives d’agriculture urbaine qui pourraient bien changer la donne.
La végétalisation des bâtiments
En ville, la nature revient en force. En dix ans, les jardins partagés et potagers urbains collectifs se sont développés tous azimuts en France. Les micro-parcelles pour la production de plantes aromatiques, de miel ou de légumes viennent petit à petit coloniser les toits et terrasses d'entreprises publiques ou d'entreprises privées, copropriétés ou collectivités. Dans les programmes immobiliers de construction ou de rénovation, les façades et toitures végétalisées sont également vouées à se démocratiser, tout comme les espaces paysagers comestibles dans les interstices de la ville : trottoirs, murs, ronds-points, friches industrielles, etc.
Face à la nécessité de construire des logements et des équipements en dépit de la raréfaction du foncier, l’agriculture urbaine est une solution concrète pour le développement d'une ville verte et durable. À condition de prévoir en amont des coûts d’investissement et d’entretien assez élevés et le recours à des experts en immobilier, architecture et/ou urbanisme.

Un toit-terrasse, laboratoire d'expérimentation
BNP Paribas Real Estate a transformé les toits-terrasses de son siège social, à Issy-les-Moulineaux, en ferme urbaine, pour favoriser le bien-être des collaborateurs, servir de démonstrateur pour les clients et de laboratoire expérimental pour la recherche agricole. Un projet développé en partenariat avec le paysagiste Mugo et la start up Peas&Love, qui loue des parcelles potagères. ©Veryhappymedia.
L'agriculture urbaine : une fonction nourricière plausible ?
Des villes autosuffisantes pour les besoins alimentaires
Une question demeure : si l’idée d’une « ville comestible » semble s’imposer, l’agriculture urbaine est-elle réellement capable de subvenir aux besoins alimentaires des métropoles ? En 2014, la ville d’Albi, dans le Tarn, se lançait un ambitieux défi : atteindre l’autonomie alimentaire à horizon 2020. Elle voulait permettre à ses 50 000 habitants de se nourrir exclusivement de denrées produites dans un rayon de 60 km. Ainsi, des parcelles ont été distribuées à des maraîchers aux pourtours de la ville, des potagers ont fleuri dans les écoles et les parcs du centre-ville, etc. Certes, la dynamique est lancée, mais le pari de 2020 est encore loin d’être gagné.
► 50 m² : c’est la surface de maraîchage traditionnel nécessaire pour alimenter un adulte en fruits et légumes.
► La production alimentaire devra augmenter de 70 % d’ici 2050 pour nourrir 9,7 milliards d’êtres humains, selon l’ONU.
► L’agriculture urbaine produira entre 100 et 180 millions de tonnes par an selon une étude prospective menée en 2018 à l’échelle mondiale.
Pour les experts, le scénario de l’autosuffisance alimentaire, stricto sensu, relève encore de la science-fiction à court et moyen terme, dans les grandes villes françaises. Les freins potentiels sont nombreux : disponibilité du foncier, coûts de mise en place et de maintenance des exploitations sur les toits, problématiques sanitaires et réglementaires liées à l’élevage en zone urbaine, politiques publiques, etc.
Dans sa future ferme urbaine de 7 000 m² située sur la toiture d’un bâtiment logistique du 18ème, l’entreprise Cultivate vise une production annuelle de 45 tonnes de salades et d’aromates, et 500 000 produits finis destinés aux magasins Franprix de Paris.
Première du genre en France, la Ferme urbaine lyonnaise (FUL) a développé un prototype d’unité de production verticale indoor de seulement 84 m², dotée d’éclairages LED. Résultat : grâce à son système de bacs empilés et de contrôle automatisé de l’environnement de production, les rendements annuels de ciboulette sont 478 fois supérieurs à l’agriculture traditionnelle, et sans pesticides.
Systèmes hors sol : la clé de l’autosuffisance alimentaire ?
Des exploitations agricoles urbaines de pointe
Inspirées des pratiques nord-américaines et asiatiques, des bâtiments agricoles innovants, à vocation principalement ou exclusivement productive, commencent progressivement à faire leur apparition dans les villes européennes. On parle alors de ferme indoor. Elles peuvent s’installer dans des entrepôts ou immeubles réhabilités pour cet usage. Ou être érigées de toutes pièces, comme c’est le cas à Shanghai, dans le futur quartier agricole de Sunquiao. Déployées à l’horizontale ou à la verticale, ces méga-exploitations urbaines s’appuient généralement sur le principe de la culture hors-sol et sur des technologies de pointe. Compte tenu des contraintes d’espace inhérentes à la ville, elles misent généralement sur des systèmes à fort taux de rendement, comme l’hydroponie ou l’aéroponie. Dans le premier cas, les racines des plantes évoluent dans un substrat nutritif sans terre ; dans le second, elles sont maintenues dans le vide et régulièrement pulvérisées pour répondre à leurs besoins en eau et en nutriments.
► Pour certains aliments, les fermes verticales promettent même un rendement 100 fois supérieur à celui de l’agriculture traditionnelle et une consommation 10 fois moindre en eau, selon PwC.
► L’agriculture urbaine représente 73 hectares en Île-de-France. En tête se placent les jardins familiaux ou ouvriers (50 % de la surface totale cultivée) puis les jardins d’insertion (20 %).
► Le défi majeur de l’agriculture urbaine est de trouver un modèle économique durable. Aujourd’hui, seuls 5 % de la surface cultivée francilienne sont des espaces productifs marchands.
Les fermes urbaines productives apparaissent assurément comme une solution d’avenir pour répondre au double défi démographique et environnemental de la ville de demain… Sans doute en complément de l’agriculture traditionnelle qui n’a pas dit son dernier mot.
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