Historiquement, la dorsale qui regroupe l’ensemble des régions de l’axe Lille, Paris, Lyon et Marseille est privilégiée par les « Directions Supply Chain » pour l’implantation de leurs plateformes logistiques. Cependant, et depuis quelques années déjà, la part des transactions immobilières réalisées hors dorsale augmente. Un rééquilibrage s’opère au profit d’axes géographiques porteurs. Cette tendance s’explique en partie à travers trois phénomènes : un marché plus attractif, tant sur le foncier que sur le bassin d’emploi, une refonte des schémas directeurs logistiques, marquée par de grands projets de renouvellement ou de renforcement des réseaux, et une volonté des utilisateurs de se rapprocher des bassins de consommation en forte augmentation à l’instar de l’arc Atlantique, dans une optique d’optimisation des délais et des coûts de transport. Invité à s’exprimer sur le sujet, Mike Haziza, Directeur chez TRAKER : pôle conseil en Supply Chain de BNP Paribas Real Estate, apporte son expertise sur la thématique de la dorsale challengée.

Quelle est la tendance des transactions et développements immobiliers en dehors de l’axe Lille-Paris-Lyon-Marseille ?

 

Nous constatons deux signaux révélateurs du dynamisme logistique des régions hors dorsale. Le premier concerne les transactions. En effet, sur les 3,9 millions de m² de demande placées en 2019, 45% l’étaient en dehors de l’axe Lille-Paris-Lyon-Marseille. Alors que cette part oscillait entre 30 et 40% au cours des précédentes années. Nous observons également une tendance similaire sur les développements et les constructions en dehors de la dorsale. Sur les 5,8 Millions de m² logistiques construits lors des trois dernières années, près d’un tiers l’étaient hors dorsale. Notons également qu’au cours de cette période, la moyenne annuelle des constructions de sites logistiques hors dorsale était de 200 000 m² supérieure à celle des trois années précédentes. 

Quels sont les secteurs les plus dynamiques sur ces marchés périphériques ?

L’arc Atlantique, composé des marchés de Rennes, Angers, Nantes, Bordeaux et Toulouse, affiche une dynamique remarquable. En 2019, 28 transactions, pour un total de 611 000 m², y ont été comptabilisées. Côté constructions : leur part sur cet axe est de près de 17% sur l’horizon 2017-2019 contre 12% sur 2014-2016. L’évolution de l’arc Atlantique s’explique par la croissance de la population et donc l’augmentation des bassins de consommation, ainsi que par sa richesse industrielle notamment dans l’agroalimentaire et l’aéronautique.

Par ailleurs, la région Orléanaise reste attractive au regard de sa position géographique, sa spécificité en particulier dans la filière cosmétique et de sa fiscalité. Elle comptabilise une dizaine de transactions en 2019 pour un total de 232 000 m². Une tendance qui se confirme en 2020. En revanche, la main d’œuvre logistique y est de plus en plus prisée. Enfin, le Grand Est a connu quelques grands développements ces derniers temps, notamment sous l’impulsion de l’automobile et du E-Commerce.

Qu’est-ce qui pousse les Directions Supply Chain à implanter des plateformes en dehors de la dorsale ?

 

L’enjeu pour les Directions Supply Chain se résume à trouver un juste équilibre : comment rapprocher les plateformes logistiques des bassins de consommation et proposer une offre de service avant-gardiste, tout en disposant d’un schéma logistique lisible, économique et agile ? Pour répondre à cet équilibre, et d’abord sous l’impulsion d’acteurs de la Grande Distribution et du E-Commerce, de grands projets d’implantation de plateformes logistiques de dernière génération ont vu le jour. Et cela, sur des localisations « barycentriques » en dehors de la dorsale. Le choix de ces localisations permet en particulier d’optimiser le coût complet du transport, amont et aval, tout minimisant les délais de livraisons aux clients et de simplifier des schémas logistiques devenus trop complexes avec des plateformes primaires, secondaires ou tertiaires. Finalement, cette logique a permis de redéfinir des localisations et de désacraliser la dorsale.

Quels formats peuvent prendre ces plateformes logistiques?

Les plateformes hors dorsales n’obéissent pas à une configuration spécifique. Elles peuvent être des plateformes de stockage et de distribution régionales, voir nationales, des plateformes de Messagerie ou Cross-Docking permettant la massification des flux et l’éclatement régional de biens. Nous retrouvons également des plateformes locales ou de logistique urbaine qui permettent d’assurer une forte proximité avec les bassins de consommation sur les biens critiques ou de forte rotation. Soulignons également que ces plateformes hors dorsales sont dans près de 60% des cas contractées par des chargeurs.

La crise de la Covid-19 risque-t-elle d’impacter ces stratégies d’implantation ?

Cet évènement inédit aura plus que jamais mis en évidence la place primordiale de la Supply Chain pour couvrir les besoins des consommateurs. Aussi et en dépit des difficultés et incertitudes, nombre de nos clients restent positifs sur leur volonté de poursuivre leur stratégie de modernisation de leur logistique. Nous sommes donc convaincus que les transformations se poursuivront autour d’enjeux encore plus marqués de résilience, d’agilité et d’omnicanalité. Concrètement, les chargeurs et logisticiens seront amenés à sécuriser les stocks et approvisionnements de biens à proximité des consommateurs, via des outils logistiques de plus en plus performants, agiles et robustes. Bien malin qui pourrait prédire l’avenir, mais nous n’identifions pas de raison objective qui pourrait réduire la part des développements hors dorsale à terme.

Quels sont les autres atouts d’une implantation sur ces nouveaux marchés ? Les collectivités locales contribuent-elle à favoriser ces implantations ?

 

Au-delà de la localisation barycentrique et de la recherche d’un optimum sur les coûts et sur les délais de transport, trois raisons objectives peuvent inciter les Directions Supply Chain à s’implanter en dehors de la dorsale. La première concerne l’accès à des bassins d’emploi dynamiques permettant d’attirer et de fidéliser de la main d’œuvre de qualité. Alors que certains secteurs, notamment en Ile-de-France, font état de réelles carences avec une raréfaction de la main d’œuvre formée sur les métiers de la logistique. De plus, la disponibilité foncière permet d’accéder à des loyers plus compétitifs. J’évoquerais enfin, la fiscalité et les mesures d’accompagnement propres à chaque région.

Concernant les collectivités, leur rôle peut parfois s’avérer fondamental dans le choix d’une implantation. L’accueil reste très variable en fonction des localisations et du type de projets. Soulignons que certaines régions, comme les Hauts-de-France, sont fortement désireuses de générer des emplois, et adoptent une politique volontariste pour faciliter l’implantation d’actifs logistiques.

Avez-vous quelques exemples récents pour illustrer l’attractivité de secteurs hors dorsale ?

Plusieurs exemples sont révélateurs de l’attractivité hors de la dorsale. Sur l’horizon 2019-2020, je pense naturellement à l’extension de 36 000 m² de Lacoste à Buchères, dans l’Aube pour répondre à la croissance du E-Commerce. L’implantation de la chaîne de Hard Discount, Action, à Verières-en-Anjou, près d’Angers, sur 56 000 m² pour l’approvisionnement régionale de ses magasins est également une opération majeure. Il y a aussi les 60 000 m² pour Cdiscount à Andrézieux près de Saint-Etienne, pour le développement des livraisons de meuble et électroménagers. Enfin, citons Amazon et ses 185 000 m² au Augny au Sud de Metz pour une exploitation sur quatre niveaux.

 

Il faut faire preuve d’humilité suite à l’impact de la crise sanitaire. Cependant, au regard des enjeux de proximité avec les bassins de consommation, de sécurisation des niveaux de stocks et d’omnicanalité, le développement de projets logistiques en dehors de la dorsale est une tendance qui devrait encore perdurer. 

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